Mentorat : un allié pour la carrière des femmes ! Episode 2.
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Dans le cadre du mois de l’égalité, la Mission Égalité femmes-hommes lutte contre les discriminations met à l’honneur le programme de mentorat Femmes & Sciences – CBI PhD programme. De plus en plus de jeunes doctorantes font appel au mentorat pour rencontrer d’autres femmes scientifiques, prendre confiance en elles et bénéficier d’un soutien privilégié. En intégrant un programme de ce type, elles ont l’occasion de rencontrer des mentores qui s’engagent à aider d’autres femmes, notamment pour les aider à progresser dans leur carrière. Pendant les trois prochaines semaines, découvrez les portraits croisés de mentores et de mentorées. Ensemble, elles reviendront sur leur ressenti et leur expérience au sein du programme.
Depuis 2017, le groupe Occitanie-Ouest propose chaque année à une trentaine d’étudiantes des écoles doctorales de l’université Toulouse III – Paul Sabatier, idéalement en première ou deuxième année de thèse, d’intégrer dans leur parcours de formation, la participation au programme de mentorat, Femmes & Sciences – CBI PhD programme. Ce programme, coordonné par Julie Batut (chercheuse CNRS – Centre de biologie intégrative (CBI) – membre de Femmes & Sciences) a pour objectif d’accompagner essentiellement les doctorantes et de les inciter à construire leur projet de carrière, en réfléchissant aux possibilités et aux choix qui s’ouvrent à elles, avec l’aide de personnes d’expérience et de confiance qui seront leurs mentors ou mentores. Ce dispositif permet à un binôme de volontaires mentore/ doctorante, sans lien hiérarchique, de s’intégrer dans une démarche d’enrichissement mutuel et de partager leurs connaissances, leurs expériences, leur soutien et leurs encouragements.
Zoom sur Isabelle Néant et Sara El Fouikar, binôme de la promotion 2020 – 2021. Isabelle Néant, chargée de recherche au CNRS a été pendant un an la mentore de Sara El Fouikar, actuellement en doctorat à l’université Toulouse III – Paul Sabatier.
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Pouvez-vous nous dire qui vous êtes et présenter votre parcours universitaire et professionnel ?
Sara El Fouikar : J'ai effectué un parcours assez classique. Je suis originaire de la Réunion, donc tout a commencé là-bas. Après un bac S option SVT, j'ai intégré une classe préparatoire biologie, chimie, physique et sciences de la Terre (BCPST), car je voulais faire de la recherche et était encouragée par tout le monde au vu de mes bonnes notes. Je ne me suis malheureusement pas épanouie dans cet environnement hautement stressant et parfois solitaire. Après avoir terminé et validé ma 1ère année et malgré les encouragements de mon équipe, j'ai rejoint une L2 de biologie à l'université de la Réunion. J'ai eu ma licence et ai déménagé à Bordeaux pour effectuer un master de nutrition humaine et santé où j'étais clairement dans mon élément. Puis, en 2020, j'ai entamé ma thèse à l'université Toulouse III - Paul Sabatier, au sein de l’équipe 03 (EXPER) du laboratoire INRAE TOXALIM. Mes recherches portent, de manière très résumée, sur les effets de notre environnement chimique sur la fonction reproductrice et la fertilité de la femme, et les répercussions sur les générations suivantes.
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Comment avez-vous eu connaissance du programme de mentorat de Femmes & Sciences ?
I. N : Et moi j'ai découvert le mentorat, à la fois par l'intermédiaire de Femmes & Sciences, association dans laquelle je m’investis de manière assez ponctuelle, et aussi par Julie Batut qui mettait en place ce programme sur le CBI, avec le PHD program. C’est elle qui m'a demandé si je voulais être mentore et j'ai accepté ! Sara est la première mentorée que j’ai encadrée. Nous avons démarré l'année dernière ensemble et nous continuons à échanger, à nous voir. Cette année, je me suis engagée avec une deuxième mentorée, Alix, qui est dans un autre laboratoire.
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Aviez-vous des attentes particulières avant de rentrer dans le programme ?
I. N : C'est vrai que la thèse n’est pas une période très facile à vivre, surtout en fin de parcours. Sara le constatera plus tard. J'ai toujours été bien entourée et j'estime que c'est important d'avoir non pas "un modèle" car je ne me sens pas comme tel, mais quelqu'un qui puisse vous accompagner, qui soit complètement indépendant du laboratoire où vous travaillez. La mentore n’a pas du tout de remarques à faire par rapport au projet de recherche en soi. Nous abordons plutôt l’adéquation entre vie professionnelle, vie familiale, vie privée ; ce qui n'est pas toujours évident pour les jeunes femmes. Et la situation ne va pas forcément en s'améliorant. Même si ça évolue quand même. Je pense que c'est important d'avoir un regard extérieur qui soit bienveillant, qui accompagne, qui donne des conseils. Une sorte de tremplin auprès des jeunes femmes. Je pense que c'est essentiel, parce que le doctorat n’est pas une période facile, on se pose beaucoup de questions. Il ne faut pas se laisser influencer par le fait que beaucoup d'encadrants soient des hommes. Il n'y a pas de raison. Nous sommes toutes et tous des professionnels de la science. Le genre peut être mis de côté.
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À ce propos, que pensez-vous de la place des femmes dans les sciences aujourd’hui ?
S. EF : Je suis tout à fait d'accord. Une idée reste ancrée : celle que les femmes qui choisissent des carrières dans la science sont nécessairement des femmes carriéristes parce qu’elles font des choses très importantes et sont très impliquées. Il y a toujours cette idée que, quand on est femme dans les sciences, on aurait du mal à avoir une vie personnelle. On nous pose souvent la question : comment concilie-t-on vie personnelle et vie professionnelle ? Les gens sont convaincus que dès qu'on fait de la science ou de la recherche, cela demande énormément de temps. Ils pensent que des chercheurs passent nuit et jour au bureau, occupés en permanence par leurs thématiques de recherche. Finalement, quand on est une femme de science, on se confronte beaucoup à ces préjugés-là. J’aimerais bien que ça évolue mais ces préjugés persistent. Peut-être parce que l’on n’a pas encore assez de femmes dans les sciences pour montrer l'exemple ou faire entendre davantage leur voix […]
I. N : Et c'est ce genre de questions que l’on ne pose pas aux hommes.
S. EF : Exactement.
I. N : Et ça, ça révèle énormément de choses.
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Donc, à votre sens, s'il y a moins de femmes en sciences cela relève non pas de freins concrets dans leur carrière mais plutôt de l’autocensure ?
S. EF : Dans mon parcours scolaire, on ne m’a jamais proposé de m’orienter vers ce genre de parcours. En tout cas, pas avant d’avoir atteint un niveau assez avancé dans la scolarité. Personnellement, quand j’étais en troisième, je voulais faire pâtisserie, donc quelque chose de totalement opposé à ce que je fais maintenant. […] C’est uniquement quand je suis arrivée à la fin du lycée, où, comme j’avais de bonnes notes, on m’a dit « les sciences c’est fait pour toi ». Est-ce que c’est différent chez les garçons ? Je ne sais pas. J’avoue que je n’ai pas vraiment fait de comparaison. Mais oui, en effet, il y a beaucoup de freins, qu’on ne voit pas forcément mais qui existent, quant aux carrières des femmes en sciences. En tout cas, ce n’est pas l’orientation que l’on propose en premier aux jeunes filles
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Pour revenir au programme de mentorat, que vous a-t-il apporté, autant humainement que professionnellement ?
I. N : C'est vrai que le programme de mentorat est vraiment très bien conçu. Il y a à la fois la construction des binômes, effectivement, mais aussi tout l'apport du groupe et l’accompagnement effectué par Julie Foncy et Julie Batut. […] On a pu se rendre compte de la force de proposition d'un groupe : quand toutes les synergies, les bonnes volontés se mettent ensemble, on arrive à de très belles choses. Il y a eu des échanges vraiment très intéressants, constructifs avec des témoignages de parcours différents. En effet, d'autres parcours, de réussite, d'excellence, ne passent pas forcément par le parcours classique et il est important de montrer à des jeunes étudiantes en doctorat qu’il y aura d'autres possibilités d'épanouissement, qu'il n'y aura pas que le post-doc et l’intégration des organismes de recherche. D'autres voies peuvent les intéresser, leur ouvrir des portes. […]
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Parlez-moi un peu du quotidien de mentore et mentorée. À quoi peuvent s’attendre les personnes qui pensent s'y inscrire ?
I. N : On ne va pas tout dévoiler ! C'est cela que je trouvais intéressant aussi : l'effet de surprise.
S. EF : Sans trop en dévoiler, je peux donner deux mots pour décrire l’expérience : engagement et enrichissement. Ça reste un engagement, quelque part, parce que l’on s'engage avec une personne en particulier, puis auprès d’un groupe, mais ça reste flexible. Surtout quand on est doctorante, on a besoin de beaucoup de temps sur la partie recherche. Ce n’est pas quelque chose qui demande beaucoup de temps, mais qui garde une régularité et s’avère très enrichissant.
I. N : Peut-être faut-il rajouter que l'engagement est sur l'année. Il ne porte pas nécessairement sur les trois ans de thèse, ce qui pourrait faire peur aux mentores et aux mentorées.
S. EF : Même si c’est un engagement qui se fait sur l’année, au sein du programme, personne n’est forcé de participer aux évènements ou de s’entendre avec quelqu’un. Il y a quand même l’idée de s’assurer que le binôme fonctionne et qu’il peut évoluer. À la fin, on crée des liens, même si l’engagement n’est que sur un an et la preuve en est qu’aujourd’hui on en discute alors qu’officiellement, je ne suis plus dans le programme. En tout cas, je ne suis plus la formation mais je continue à voir Isabelle régulièrement.