Publié le 7 mars 2022 Mis à jour le 26 juin 2023

Dans le cadre du mois de l’égalité, la Mission Égalité femmes-hommes lutte contre les discriminations met à l’honneur le programme de mentorat Femmes & Sciences – CBI PhD programme. De plus en plus de jeunes doctorantes font appel au mentorat pour rencontrer d’autres femmes scientifiques, prendre confiance en elles et bénéficier d’un soutien privilégié. En intégrant un programme de ce type, elles ont l’occasion de rencontrer des mentores qui s’engagent à aider d’autres femmes, notamment pour les aider à progresser dans leur carrière. Pendant les trois prochaines semaines, découvrez les portraits croisés de mentores et de mentorées. Ensemble, elles reviendront sur leur ressenti et leur expérience au sein du programme.


Mentore et mentorée
Mentore et mentorée
Depuis 2017, le groupe Occitanie-Ouest propose chaque année à une trentaine d’étudiantes des écoles doctorales de l’université Toulouse III – Paul Sabatier, idéalement en première ou deuxième année de thèse, d’intégrer dans leur parcours de formation, la participation au programme de mentorat, Femmes & Sciences – CBI PhD programme. Ce programme, coordonné par Julie Batut (chercheuse CNRS – Centre de biologie intégrative (CBI) – membre de Femmes & Sciences) a pour objectif d’accompagner essentiellement les doctorantes et de les inciter à construire leur projet de carrière, en réfléchissant aux possibilités et aux choix qui s’ouvrent à elles, avec l’aide de personnes d’expérience et de confiance qui seront leurs mentors ou mentores. Ce dispositif permet à un binôme de volontaires mentore/ doctorante, sans lien hiérarchique, de s’intégrer dans une démarche d’enrichissement mutuel et de partager leurs connaissances, leurs expériences, leur soutien et leurs encouragements.
 

Zoom sur Julie Guillermet-Guibert et Adeline Payet, binôme de la promotion 2017 – 2018. Julie Guillermet-Guibert, directrice de recherche Inserm, a été pendant un an la mentore d’Adeline Payet, alors en doctorat à l’université Toulouse III – Paul Sabatier.
 

  • Pouvez-vous nous dire qui vous êtes et présenter votre parcours universitaire et professionnel ?
Adeline Payet : Je m’appelle Adeline Payet, j’ai bientôt 28 ans. J’ai fait un doctorat, un PHD, à l’université Toulouse III – Paul Sabatier. J’ai obtenu ce PHD en mai 2021. Depuis octobre, je travaille dans une start-up qui crée des formations pour le personnel médical. J’ai le statut de rédactrice scientifique. Et en parallèle, je donne des cours particuliers.

Julie Guillermet-Guibert : Je suis maintenant directrice de recherche Inserm. Je travaille dans un centre de recherche qui s’appelle le Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse (CRCT), qui a trois affiliations : l’Inserm, le CNRS et l’université Toulouse III - Paul Sabatier. Je suis dans la science depuis mon bac et j’ai effectué mon premier stage de recherche au début des années 2000. J’ai fait toute ma carrière dans la recherche académique avec un parcours master 2 recherche, une thèse et un post-doctorat à l’étranger. Puis j’ai été recrutée en tant que chercheuse statutaire à l’Inserm il y a plus de 10 ans, et ai été promue, très récemment, directrice de recherche. J’ai décidé, il y a de un peu plus de 5 ans, de monter une équipe qui vient d’être labellisée par l’Inserm et le CNRS. C’était un projet professionnel important pour moi.Je pense en effet avoir développé une expertise particulière peu présente en France, ce qui a motivé ma volonté de créer une équipe pour travailler sur ce sujet. Nous nous intéressons aux enzymes PI 3-kinases et recherchons comment elles orchestrent le développement du cancer et sa progression. J’applique cette recherche à un cancer qui a un très mauvais pronostic, le cancer du pancréas.
 
  • Comment avez-vous eu connaissance du programme de mentorat de Femmes & Sciences ?
J.GG : Pour ma part, je connais Julie Batut, [la responsable du programme de mentorat, NDLR] depuis très longtemps. On a été monitrices ensemble quand j’étais doctorante à UT3. Je n’avais pas fait mes études pré-master à Toulouse. […] Nous avons continué à garder des liens professionnels et elle m’a proposé de faire partie de ce programme de mentorat, du fait de mon parcours qui est atypique puisque l’on sait que dans la science, […] la plupart des femmes sont chercheuses ou ingénieures de recherche mais peu d’entre elles décident de monter une équipe et de devenir directrices de recherche.

A.P : Moi, j’ai rencontré Julie ­Batut quand j’ai fait mon premier stage en laboratoire, en 3ème année de licence. Ensuite, j’ai fait mes différents stages dans le même labo, en côtoyant Julie quotidiennement. Lorsque j’ai débuté ma thèse, elle m’a proposé ce programme de mentorat et m’a mise en contact avec Julie Guillermet.

 
  • Quelles raisons vous ont amenées à intégrer le programme ? Aviez-vous certaines attentes ?
A.P : Je voulais être guidée par rapport à ma thèse et prendre un peu d’indépendance parce que j’étais en laboratoire depuis déjà 3 ans. J'étais alors en stage, de licence ou de master, et manquais d’indépendance. Lors des stages, ma cheffe décidait pour moi et planifiait mes manipulations sur plusieurs semaines d’affilée. Je voulais acquérir davantage d’autonomie. Or, ce n’est pas possible d’y parvenir si l’on côtoie toujours les mêmes personnes. En effet, comme elles nous suivent depuis longtemps, il est compliqué pour elles de nous laisser prendre notre envol.

J.GG : Pour moi, c’est l’ouverture. J’encadre des doctorants : je pense que c’est important de garder contact avec leurs préoccupations. Parce qu’on s’imagine que l’on se souvient de leurs problématiques, puisqu’on a aussi fait une thèse, mais ce n’est pas vrai. Nous aussi, on évolue ! Je cherchais également un enrichissement personnel. Je savais que j’allais rencontrer des personnes motivées qui aimaient leur métier et avaient envie de progresser. […]

 
  • Les binômes mentore / mentorée ne sont pas composés de deux personnes travaillant sur le même sujet ?
J.GG : En effet. C’est justement ce qui est intéressant : se retrouver avec des personnes qui ne travaillent pas dans le même domaine. Je n’aurais jamais pu encadrer Adeline ni être dans son jury de thèse, nous venions de deux mondes différents.

 
  • Avez-vous conseillé ce programme à d'autres doctorantes, étudiantes, collègues ?
A.P: J’en ai parlé aux autres étudiantes ainsi qu’à mes copines, en thèse dans le même labo. Beaucoup ont fait au moins un an ou deux de mentorat pendant leur thèse.

J.GG : J'ai conseillé à des personnes de mon centre de se proposer comme mentores et j’ai eu plusieurs retours positifs.

 
  • Qu’est-ce que vous pensez de la place des femmes aujourd’hui dans les sciences ?
J.GG : Elle évolue doucement mais je pense qu’elle est dans une bonne dynamique. Ce qui est compliqué, c’est que nous nous mettons des barrières ; petit à petit nous arriverons à les déplacer. C’est aussi l’objectif de ce programme de mentorat. En discutant ensemble, nous pouvons nous rendre compte que nous aussi nous pouvons avancer et avoir des projets scientifiques ambitieux. Néanmoins, c’est un constat : il y a moins de femmes qui sont directrices et surtout elles accèdent moins vite à ce type de poste.

A.P : Il y en a beaucoup qui abandonnent.Quand on regarde en licence ou en master, on est une majorité de filles. Une fois en doctorat, ce n’est plus forcément le cas. Ensuite, après le doctorat, il y a celles qui continuent pour le post- doctorat mais elles sont encore moins nombreuses. Les garçons prennent finalement le pas alors qu’ils étaient minoritaires au départ.

 
  • Est-ce que l’idée d’intégrer un milieu très masculin vous a questionnées à un moment de votre parcours ?
J.GG : Non, je pense que ce n’est pas le problème principal. Les hommes nous soutiennent et ont aussi envie de mixité. Le problème vient davantage de l’incertitude du métier et du besoin de performance. Quand nous avons des enfants, nous sommes beaucoup moins performantes. Or, c’est un métier qui est essentiellement basé là-dessus. À partir du moment où le même CV est demandé pour accéder à un poste, ce n’est physiquement pas possible.

 
  • Avez-vous des choses à rajouter sur le programme de mentorat ?
A.P : J’ai beaucoup aimé. Que ce soit les réunions mensuelles avec les différents intervenants qui viennent d’un peu partout, ou les rencontres avec Julie, à l’extérieur. J’ai trouvé que ça apporte vraiment un autre regard sur la thèse, sur le travail en laboratoire et sur plein d’autres choses ! Je n’aurais pas pu avoir cette ouverture si j’étais restée seulement avec des gens de mon institut ou de mon équipe. C’est un programme qui vaut la peine d’être médiatisé et d’être connu par les étudiantes en thèse pour les guider, les orienter et leur faire changer d’air parfois.

J.GG : C’est essentiel et c’est peut-être quelque chose qui manque aux femmes puisque le mentorat se fait plus spontanément entre hommes. C’est important pour se donner de l’assurance. Quelle que soit la voie choisie, qu’il s’agisse de la recherche académique ou d’une activité dans une start-up comme Adeline, nous avons besoin d’assertivité et de confiance en soi. Le fait de pouvoir discuter entre nous est important.

 
  • Vous recommanderiez donc ce programme à d’autres étudiantes / doctorantes ?
J.GG : Oui. Et la manière dont il a été construit est assez positive je trouve. C’est-à-dire que toutes les mentores sont externes aux centres auxquels appartiennent les étudiantes, ce qui évite de rester dans un cercle restreint. A terme, il pourrait être intéressant d’essayer de monter ce genre de programme dans chaque centre pour échanger les mentores et les mentorées. Le fait de pouvoir intégrer le programme pendant un an seulement est également un point positif car en tant que mentore, on n’a pas nécessairement le temps de s’investir pleinement pendant toute la durée de la thèse. Le succès du programme doit beaucoup à sa flexibilité. Adeline, tu es d’accord avec moi ?

A.P : Oui, je suis d’accord. C’est vrai qu’il y a des années en thèse où l’on est moins disponible pour toutes les réunions ou ce genre de chose. Pouvoir le faire sur un an ou deux, et non pas sur les trois ou quatre années de thèse, fait partie des avantages.