La surdité unilatérale atteint de façon spécifique un seul de nos 2 récepteurs auditifs et peut avoir des conséquences considérables sur la vie quotidienne. Elle est responsable de déficits de localisation des sons dans l’espace environnant et perturbe fortement l’intelligibilité de la parole dans des environnements bruyants. Si elle dégrade globalement la qualité de vie des adultes, elle peut également être à l’origine de retards des acquisitions cognitives chez l’enfant. Une étude menée par une équipe de scientifiques du Centre de recherche cerveau et cognition (Cerco – CNRS/UT3 Paul Sabatier) révèle que l’implantation d’une neuroprothèse rétablissant l’activité de l’oreille sourde (implantation cochléaire) permet de restaurer le traitement de l’espace auditif chez l’adulte. Cette découverte prometteuse dans la compréhension des surdités et de leur réhabilitation est publiée dans la revue Cerebral Cortex.
Pour parvenir à ce résultat, les équipes du Cerco, des services ORL et d’Imagerie nucléaire du CHU Purpan ont utilisé une technique d’imagerie médicale, la tomographie par émission de positons (TEP H2O2) - seule technique compatible avec une activation de la neuroprothèse cochléaire - sur des sujets avec surdité unilatérale et des sujets contrôles. Ces sujets sont également impliqués dans une tâche comportementale de localisation spatiale de sons.
Chez le sujet normo-entendant, chaque hémisphère cérébral présente une préférence pour l’oreille controlatérale qui se traduit par une réponse plus forte du cortex auditif à une stimulation de l’oreille située du côté opposé. Cette préférence disparait chez le sujet avec surdité unilatérale qui présente alors une préférence ipsilatérale (du même côté) liée à la perte des capacités spatiales des patients. Une implantation cochléaire permet une réhabilitation de la préférence controlatérale. De plus, le niveau de cette restauration est directement corrélé aux capacités de localiser les sons dans l’espace des patients implantés, un résultat qui met en lumière les capacités de plasticité cérébrale du cerveau adulte.
D’un point de vue fondamental, ces résultats démontrent que la préférence pour l’oreille controlatérale est le support cortical de la représentation spatiale de notre espace auditif. D’un point de vue clinique, ils révèlent clairement que l’implantation cochléaire est une approche optimale de réhabilitation de la surdité unilatérale. Celle-ci permet de rétablir les fonctions auditives spatiales dont la compréhension de la parole dans le bruit et de restaurer ainsi la qualité de vie des patients. Enfin, le fait d’associer la technique d’imagerie utilisée (dont le CHU Purpan est l’un des rares centres en Europe à avoir conservé la maîtrise méthodologique) à une étude comportementale chez l’implanté cochléaire constitue une approche nouvelle et prometteuse dans la compréhension des surdités et de leur réhabilitation.
Référence:
C. Karoui, K. Strelnikov, P. Payoux, A.-S. Salabert, C. James, O. Deguine, P. Barone, M. Marx. Auditory cortical plasticity after cochlear implantation in asymmetric hearing loss is related to spatial hearing: a PET H215O study.Cerebral Cortex (2022) https://doi.org/10.1093/cercor/bhac204