Publié le 9 décembre 2022 Mis à jour le 12 décembre 2022

Début 2022, les archéologues de l’Inrap exhumaient deux sarcophages en plomb à la croisée du transept de Notre-Dame de Paris. Relativement bien conservés, ceux-ci ont été acheminés au CHU de Toulouse, afin d’être ouverts, puis fouillés avant d’entreprendre une série d’analyses. Dans le cadre d’un partenariat scientifique avec l’aide de la faculté de santé de l’université Toulouse III - Paul Sabatier, l’un des défunts, mort au XVIIIe siècle, est identifié par une épitaphe sur le cercueil. L’autre, plus ancien, reste un inconnu.


La fouille de la croisée du transept
Dès le lendemain de l’incendie du 15 avril 2019, les archéologues ont été appelés au chevet de la cathédrale Notre-Dame de Paris. La loi du 30 juillet 2019 confie à l’Inrap la responsabilité des interventions archéologiques préventives liées à ce chantier de restauration exceptionnel.

C’est donc sur prescription de l’État (Drac Île-de-France) en lien étroit avec l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, maître d’ouvrage du chantier, que les équipes de l’Inrap œuvrent depuis trois ans, à un programme de diagnostics et fouilles archéologiques, pour accompagner le projet de restauration de la cathédrale. La fouille de la croisée du transept, financée par l’établissement public, qui a eu lieu du 2 février au 8 avril 2022, a livré, outre les deux sarcophages, d’exceptionnelles données sur la construction et l’évolution de la cathédrale – dont des éléments du jubé médiéval – et des sépultures.
 
Les sarcophages en plomb
Les inhumations dans les cathédrales se pratiquent pendant toute la période médiévale et moderne, les places les plus recherchées étant près du chœur. L’inhumation en cercueil de plomb est réservée à une élite.

Les deux sarcophages ont été transportés à l’institut médico-légal du CHU de Toulouse – où avait déjà été étudiée la momie de Louise de Quengo – pour l’expertise de ses équipes et un matériel d’imagerie médicale de pointe permettant des études (histologie, microscopes, scanner, radios) rapides : la fouille a eu lieu du 21 au 26 novembre. L’étude s’est faite en tenue de protection et instruments stérilisés pour préserver les intervenants du risque plomb et les sépultures des potentielles contaminations humaines.

Habituellement, le plomb favorise la conservation mais les sarcophages sont percés et leur contenu a été altéré. Néanmoins, l’étude va s’attacher à déterminer l’origine géographique des défunts, leurs habitudes alimentaires, leurs carences, les causes de la mort, la date du décès, la stature physique et les spécificités de l’inhumation. Les deux cercueils sont très différents : ils n’ont ni la même forme, ni le même mode d’assemblage, ni le même alliage, ni le même âge (ils s’inséraient dans des couches archéologiques distinctes).
 
Antoine de la Porte (1627-1710), le « chanoine jubilé »
Dans un caveau de pierre, le cercueil en plomb porte une épitaphe « cY EST LE CORPS DE MESSIRE ANTOINE DE LA PORTE CHANOINE DE L’EGLISE [mot effacé] DECEDE LE 24 DECEMBRE 1710 EN SA 83E ANNEE. RESQUIETCAT IN PACE ».

Surnommé le « chanoine jubilé », ce riche prélat participa financièrement au réaménagement de la clôture du chœur de Notre-Dame en réalisation du Vœu de Louis XIII et il est inhumé entouré des vestiges liés à la destruction du jubé médiéval. Sur son sarcophage étaient déposées trois médailles à son effigie le représentant de profil. Le cercueil n’est pas intact et l’apport d’oxygène a décomposé les tissus organiques au fil des ans. Tous ses os sont conservés ainsi que des cheveux et des poils de barbe. Plus rares, les archéologues ont prélevé des restes de textile.

Pour les archéologues et anthropologues, cette identification, rare, va permettre de confronter sa biographie aux observations de ses restes osseux.
Eric Crubezy
Eric Crubezy
Camille Colonna, Christophe Besnier, anthropologues, et Eric Crubezy, Professeur à l'université Toulouse III - Paul Sabatier partagent leurs découvertes, en présence de Anne Ferrer, directrice adjointe du CHU Toulouse
© DR UT3
Sarcophage
Sarcophage
Ouverture des sarcophages au laboratoire de médecine légale de Toulouse
© DR UT3
Sarcophage
Sarcophage
Un illustre inconnu

L’autre cercueil en plomb mis au jour lors de la fouille reste pour l’instant anonyme. Egalement soumis aux effets destructeurs de l’oxygène, le sarcophage n’a pas livré de tissus organiques. Fait inconnu, le sarcophage semble avoir été moulé sur le corps du défunt.

Comme l’avait révélé une caméra endoscopique, le cercueil contenait des restes du linceul ainsi que de très nombreux restes de feuilles et de fleurs au niveau du crâne, sans doute une couronne de fleurs. D’autres feuilles ont été trouvées au niveau de son abdomen.

Son traitement funéraire diffère radicalement du chanoine de La Porte et laisse envisager un statut aristocratique. En effet si tous les os sont conservés, le crâne est scié ce qui indique un traitement mortuaire différent : il a été embaumé, ce que confirmera peut-être l’analyse des feuillages qui comporte nombre de plantes embaumantes. Le squelette est celui d’un homme entre 25 et 40 ans, cavalier depuis son plus jeune âge, avec une activité physique marquée des membres supérieurs.

Après les analyses, les scientifiques se réuniront à nouveau pour mettre en commun leurs résultats et discuter de l’analyse globale. Les premiers résultats sont attendus au premier semestre 2023.
 

L’Inrap
L’Institut national de recherches archéologiques préventives est un établissement public placé sous la tutelle des ministères de la Culture et de la Recherche. Il assure la détection et l’étude du patrimoine archéologique en amont des travaux d’aménagement du territoire et réalise chaque année quelque 1800 diagnostics archéologiques et plus de 200 fouilles pour le compte des aménageurs privés et publics, en France métropolitaine et outre-mer. Ses missions s’étendent à l’analyse et à l’interprétation scientifiques des données de fouille ainsi qu’à la diffusion de la connaissance archéologique. Ses 2 200 agents, répartis dans 8 directions régionales et interrégionales, 42 centres de recherche et un siège à Paris, en font le plus grand opérateur de recherche archéologique européen.
 
Le CHU de Toulouse
Au cœur de la région Occitanie Ouest et d’une agglomération au taux de croissance démographique soutenu, le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Toulouse est la structure sanitaire de référence. Constitué de plusieurs sites répartis au nord et au sud de la ville, le CHU de Toulouse est le premier employeur de la région, accomplissant ses missions de soins, prévention, enseignement et recherche grâce à près de 4 000 médecins et 12 000 personnels hospitaliers (soit près de 16 000 personnes au service de la santé).
Il prend en charge environ 280 000 malades et 800 000 consultants chaque année, ce qui le situe au quatrième rang des hôpitaux français en terme d’activité. Seul CHU de la région
Occitanie Ouest, les soins de recours représentent plus de 50 % de son activité, grâce à des plateaux techniques et des équipes de très grande qualité. Le CHU de Toulouse coordonne au niveau national, ou est associé à, 19 centres de références des maladies rares et 68 centres de compétences.
 
L’université Toulouse III – Paul Sabatier

L'université Toulouse III - Paul Sabatier est l'une des principales universités françaises avec plus de 37 000 étudiantes et étudiants.
La diversité de ses laboratoires et la qualité de ses enseignements dans les domaines de la science, de la santé, du sport, de la technologie et de l'ingénierie lui assurent un rayonnement scientifique depuis plus de cinquante ans.
L'université compte 64 laboratoires et structures fédératives axés sur la recherche. De l'atome aux exoplanètes, du big data à l'oncologie, des sciences humaines et sociales aux écosystèmes, l'éventail des recherches est extrêmement large et de premier ordre. Elle est reconnue parmi les 300 meilleures universités mondiales et figure dans le top 10 des universités françaises d’après le classement de Shanghai (Academic Ranking of World Universities).
 
La Drac Île-de-France
Dans le domaine de l'archéologie préventive, la Drac étudie, protège, conserve, assure et veille à l'application de la législation et de la réglementation sur les fouilles et les découvertes archéologiques, sur l'utilisation des sols et des sous-sols et sur la protection des vestiges archéologiques. Elle prépare la programmation des fouilles programmées et des prospections annuelles en concordance avec les recommandations nationales et prescrit et contrôle les opérations d'archéologie préventive (diagnostics et fouilles) rendues nécessaires par les opérations d'aménagement de l'espace et mises en œuvre par différents opérateurs agréés.
 
L’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Prévu par la loi du 29 juillet 2019, l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris a été créé le 1er décembre 2019. Il est présidé par le général d’armée Jean-Louis Georgelin, représentant spécial du président de la République. Placé sous la tutelle du ministère de la Culture, il assure la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations concourant à la conservation et à la restauration de la cathédrale. Il a également pour mission de valoriser le chantier et les métiers et savoir-faire qui y concourent.

Pour en savoir plus et suivre l’actualité du chantier : @rebatirnotredamedeparis sur Facebook et Instagram.

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