Henri Bouasse est un physicien, né à Paris en 1886 dans une grande famille d'imprimeurs.
Après avoir été reçu à l'agrégation de Physique en 1888, et un passage auprès du Collège de France puis d'établissements d'enseignements secondaires, il est nommé à la Faculté des Sciences de Toulouse fin 1892.
Il obtient la chaire de Physique deux ans plus tard, qu'il occupera jusqu'à sa retraite en 1937
Après cette date, la faculté lui offrira le statut de professeur honoraire et l'accès à un laboratoire pour continuer ses études sur l’acoustique.
Il laisse le souvenir d'un enseignant exemplaire, un chercheur minutieux, et un auteur prolifique et polémique. L’université conserve toutes ses publications dans les magasins de la BU Science, et en particulier sa Bibliothèque Scientifique de l’Ingénieur et du physicien, une encyclopédie en 45 volumes traitant de la Physique classique.
L'orgue
Un orgue dans une Faculté des Sciences n'est pas chose courante. Selon P.Brenni, spécialiste des instruments scientifiques anciens, ce serait le seul exemple connu.
Henri Bouasse avait acquis et vraisemblablement utilisé cet orgue en bois pour certaines de ses expériences sur l’acoustique. Depuis le déménagement de la Faculté des Sciences des allées Jules Guesde vers le campus de Rangueil, l'instrument et ses 52 tuyaux, attendaient de retrouver leur lustre d'antan.
En 2006, commence une action de réunir une collection d'instruments anciens pour créer un lieu d'exposition qui deviendra le Cabinet de Physique. C'est à cette occasion que les tuyaux et le soufflet, sont redécouverts. Dix années plus tard, le Cabinet de Physique prend forme et accueille les différentes parties de l'instrument, avec l'espoir de pouvoir le remonter.
Grâce à l'aide de la Faculté des Sciences et Ingénierie, l'orgue a pu être restauré et remonté en mars 2023.
Un orgue en héritage
« Je ne suis pas tout à fait étranger aux choses de la Musique envisagée comme art. Sans exagérer ma compétence, j’espère éviter les erreurs lourdes auxquelles on s’expose quand on parle d’un art sans le pratiquer. D’ailleurs je m’en abstiendrai autant que possible, l’esthétique étant à la limite de mon sujet. »[1]
Du travail sur l’acoustique du physicien Henri Bouasse il reste les écrits, et un instrument monumental : un orgue. Les 52 tuyaux, les 2 sommiers, trônent de nouveau en pleine lumière, installés dans une salle de TP de la Faculté des Sciences et Ingénierie sur le campus de l’Université Toulouse III-Paul Sabatier. Si l’instrument occupe une place importante dans le Cabinet de Physique, son usage voire ses usages, son histoire conservent une grande part d’ombre. Il faut rechercher tous les petits cailloux qu’il a laissé au fil des textes, toutes les allusions même anecdotiques confiés par quelques témoins, et puis s’en remettre aux enseignements de la restauration transmis par un Facteur d’orgue attentif et scrupuleux.
Bouasse a écrit en 1926 : « La pratique devance ordinairement la théorie ; la règle est absolue pour les phénomènes acoustiques ». Alors il a joint le geste à la parole : il avait un orgue à demeure et jouait une heure chaque jour. L’orgue qui nous est parvenu était vraisemblablement un instrument récupéré et organisé pour l’expérimentation. La flûte, les 52 tuyaux, a été fabriqué pour jouer, c’est la flûte d’un orgue classique. Le mécanisme de distribution de l’air se fait avec un sommier, mais aucun des 2 sommiers conservés ne correspond initialement à cette flûte. La conception comprend des singularités qui laissent penser qu’ils ne sont pas l’œuvre d’un facteur d’orgue mais plutôt d’un amateur très éclairé qui se livrait à des expériences. Enfin le soufflet pour propulser l’air est compatible avec la flûte mais pas avec les sommiers. Trois pièces qui ne s’emboitent pas. Et pourtant 7 volumes d’acoustique dans la Bibliothèque Scientifique de l’Ingénieur et du Physicien, et 2 ouvrages supplémentaires sur ces questions, comprennent de nombreuses pages consacrées, entre autres, à l’orgue.
Pour l’histoire, il reste tout de même des certitudes : tous les matériaux de construction ont été identifiés jusqu’à la nature des colles ou à la forme des vis. Et puis, l’œil du professionnel assure que c’est un orgue de facture anglaise qui date de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle, et que le facteur toulousain Puget a probablement joué un rôle dans cette acquisition. Pour le reste il faut continuer à glaner des informations, à mener l’enquête pour retrouver des archives. Finalement, il faut suivre le conseil du Maître : « Aucune science n’exige autant que l’Acoustique qu’on s’intéresse, sinon à la musique art, du moins à la technique musicale, aux instruments et à la manière de les utiliser ».
[1] Confidence et promesse écrite par Henri Bouasse en préambule des Bases physique de la Musique en 1906. i