Publié le 20 février 2023–Mis à jour le 21 février 2023
Le climat d’Asie du sud-est est fortement affecté par le phénomène El Niño et son cousin El Niño Modoki, ainsi que par leurs contreparties La Niña et La Niña Modoki. Ces événements climatiques ont des conséquences directes sur les sociétés de cette région. Une étude publiée dans Climate Dynamics et menée par Hue Nguyen Thanh, doctorante UT3 au Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP – CNES/CNRS/IRD/UT3), a examiné comment ces deux phénomènes influencent les précipitations, provoquant sécheresses et inondations, en analysant la température de surface des océans, les précipitations et la circulation atmosphérique sur un temps long.
Lors d’un évènement El Niño, on observe un réchauffement de la surface de l’océan Pacifique tropical oriental, alors que lors d’un évènement El Niño Modoki c’est la partie centrale du Pacifique tropical qui se réchauffe (Modoki signifie en japonais « semblable mais différent »). Les phases La Niña et La Niña Modoki correspondent au contraire à un refroidissement de ces régions. L’oscillation australe El Niño (ENSO), et ENSO Modoki, correspondent à l’alternance des phases El Niño, La Niña et neutres. Ces phénomènes se produisent en moyenne tous les deux ans, perturbant les échanges atmosphériques et océaniques d’eau et de chaleur, et affectant le climat de la planète entière. L’Asie du sud-est est particulièrement touchée : sécheresses, canicules, inondations en sont les conséquences, avec des conséquences parfois désastreuses sur les écosystèmes marins et les ressources halieutiques.
On a ainsi observé au Vietnam, lors de l’épisode El Niño de 2015-2016, la sécheresse la plus grave depuis 70 ans, une salinisation inédite des terres arables du delta du Mékong, ainsi qu’un réchauffement notable de l’océan induisant un blanchiment durable d’une partie considérable des coraux le long des côtes du pays.
Afin d’identifier les différences entre les deux types d’ENSO et de comprendre leurs mécanismes physiques, Hue Nguyen Thanh et ses encadrants de thèse ont analysé 41 années d’observations de la température de surface de l’océan Pacifique et des précipitations dans la région d’Asie du sud-est, et ils ont réalisé une nouvelle analyse de la circulation atmosphérique globale.
Lors d’un évènement El Niño, on observe un déficit de précipitations dans l’est et le sud de l’Asie du sud-est, induit par une réduction des arrivées de masses d’air humides par les alizées depuis le Pacifique. Cette réduction est liée à un affaiblissement et à un déplacement vers l’ouest de la cellule de Walker, cellule atmosphérique de grande échelle qui pilote à la fois les échanges de chaleur et d’eau entre océan et atmosphère, ainsi qu’entre l’est et l’ouest du Pacifique. Cette modification de la cellule de Walker est similaire mais moins intense lors d’un évènement El Niño Modoki, induisant un déficit moins marqué des précipitations. Un évènement La Niña induit au contraire une augmentation des précipitations en hiver, plus marquée lors d’un La Niña Modoki et liée à une intensification de la cellule de Walker et des alizées.
Cette étude suggère ainsi que les sécheresses provoquées en été sur toute l’Asie du sud-est par El Niño Modoki pourraient être moins intenses que pendant El Niño. Au contraire les inondations induites en hiver par La Niña Modoki au sud de la région pourraient être encore plus graves que pendant La Niña.
Référence Nguyen-Thanh, H., Ngo-Duc, T., Herrmann, M. The distinct impacts of the two types of ENSO on rainfall variability over Southeast Asia.
Clim Dyn (2023). Consulter l'article