Publié le 7 janvier 2021–Mis à jour le 13 janvier 2021
La gestion des passifs environnementaux liés aux friches industrielles contaminées nécessite une vue d’ensemble de la contamination et de sa transférabilité vers les organismes. L’approche interdisciplinaire mise en œuvre au travers de la collaboration entre l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA), la société TOTAL et le Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement (CNRS/Toulouse INP/UT3 Paul Sabatier), permet de cartographier les teneurs en divers Éléments Traces Métalliques (ETM) foliaires de végétaux établis sur des friches industrielles, par imagerie aéroportée. Cette approche ouvre la voie à de multiples applications pour l’évaluation des risques liés à ces sites et le suivi d’opérations de remédiation par les végétaux. Ces travaux sont publiés dans la revue Scientific Reports.
La réhabilitation des friches industrielles est une étape essentielle de la gestion des passifs environnementaux. Elle nécessite bien souvent une étape de remédiation de la contamination du sol, laquelle peut s’opérer, dans le cas des métaux, par des cultures de végétaux dits « hyperaccumulateurs ». En outre, la présence de contaminants dans les sols, notamment de métaux, présente un risque de transfert dans les plantes et les réseaux trophiques associés, qu’il est nécessaire d’évaluer. Dans les deux cas, connaître la répartition spatiale des métaux dans le sol et les tissus végétaux au sein du site est un atout majeur pour sa réhabilitation.
Déterminer les teneurs en métaux des sols et des végétaux de friches est un exercice bien souvent chronophage et onéreux. Il implique en effet un important effort d’échantillonnage de terrain et d’analyses en laboratoire pour spatialiser la répartition et le transfert de la contamination. En alternative à cette approche destructive, les gestionnaires de sites industriels portent une attention particulière aux avancées réalisées en télédétection optique en matière de diagnostic des sols et des végétaux. Plus spécifiquement, la télédétection hyperspectrale (entre 400 à 2500 nanomètres), fournissant un spectre de la réflectance des surfaces[1], permet désormais de cartographier les teneurs en métaux de sols nus à partir d’images acquises depuis un avion ou un satellite, à une résolution spatiale décamétrique à métrique.
Dans la continuité de ces avancées, l’étude publiée par l’ONERA, TOTAL et le Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement constitue la première tentative aboutie de cartographie des teneurs en métaux foliaires des végétaux. La méthode proposée, évaluée dans un premier temps sur le terrain, repose sur l’exploitation des propriétés optiques de la végétation, notamment sa réflectance. Cette dernière est étroitement liée aux caractéristiques biochimiques de la plante (teneurs en pigments, en eau, etc.), lesquelles constituent des indicateurs fiables du transfert de métaux dans ses parties aériennes. Ainsi, en combinant la réflectance des feuilles à des longueurs d’ondes caractéristiques dans des modèles de régression, la méthode permet une estimation précise des teneurs en métaux accumulés par la plante. Son application aux images aéroportées permet de spatialiser ces teneurs chez les espèces végétales majoritairement présentes sur un site, fournissant aux gestionnaires une cartographie fiable et précise de la contamination métallique.
À l’heure actuelle, la méthode permet de cartographier les teneurs de quatre métaux foliaires (le chrome, le cuivre, le nickel et le zinc) chez une espèce typique des friches industrielles : la ronce. Cela, à une résolution spatiale d’ 1m et avec une précision supérieure à 80 %. En perspective, son application à une gamme étendue de métaux, ainsi qu’à d’autres espèces végétales, permettrait d’élargir son utilisation à d’autres cas de réhabilitation. Une application de la méthode au suivi d’opérations de phytoextraction, ainsi qu’à l’évaluation des risques liés à la contamination métallique en milieu naturel, est également envisageable.
Portée par les projets florissants de missions satellitaires des agence spatiales (CNES, NASA, METI, ASI), la télédétection hyperspectrale est promise à de nouvelles applications pour le suivi de la végétation dans les années à venir. Cette étude, issue d’une collaboration interdisciplinaire entre un industriel (TOTAL), un établissement public à caractère industriel et commercial (ONERA) et une unité mixte de recherche (Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement), en est la démonstration concrète.
(De gauche à droite) Site d’étude utilisé pour le développement de l’approche (friche industrielle végétalisée). Cette approche exploite des rapports de réflectances – appelés indices de végétation – étroitement corrélés aux teneurs en métaux des feuilles (ici, le zinc). La méthode, calibrée à partir de mesures de réflectances des feuilles et du couvert végétal effectuées sur le terrain, a ensuite été appliquée en imagerie hyperspectrale aéroportée (instrument HySpex). Elle permet ainsi de cartographier les teneurs en métaux foliaires avec une résolution spatiale d’ 1 m.
Référence : Lassalle, G., Fabre, S., Credoz, A., Hédacq, R., Dubucq, D. & Elger, A. Mapping leaf metal content over industrial brownfields using airborne hyperspectral imaging and optimized vegetation indices.Scientific Reports11, 2 (2021). https://doi.org/10.1038/s41598-020-79439-z
[1] La proportion de rayonnement lumineux réfléchi par les surfaces observées