Publié le 4 décembre 2024–Mis à jour le 20 janvier 2025
Si l’on veut évaluer le recul récent des falaises côtières par érosion, il faut pourvoir connaître sa tendance sur des temps plus anciens, ce qui restait inaccessible jusqu’à présent. Une équipe du laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET, CNES/CNRS/IRD/UT3) propose une nouvelle méthode testée sur la Côte Vermeille, la Costa Brava et sur la côte sud du Pérou. Les résultats ont été publiés dans Earth surface dynamics le xx et indiquent que la vitesse de recul de ces 3 sites sont de l’ordre de 0,1 à 0,6 mm par an sur les derniers millénaires.
Le recul des falaises côtières par érosion constitue un enjeu sociétal majeur. Dans certaines zones, comme en Normandie, ces vitesses peuvent atteindre plusieurs décimètres par an, détruisant des routes ou mettant en péril des habitations situées au-dessus des falaises. Il est donc très important de pouvoir prédire l’évolution de ce recul, et pour cela il faut pouvoir quantifier ses vitesses à différentes périodes du passé.
Les données existantes se fondent essentiellement sur des reconstitutions à partir d’images satellites ou aériennes. Ces reconstitutions sont donc limitées à quelques décennies au mieux. Une méthode de terrain permet d’accéder à des taux de recul sur les derniers millénaires mais elle est coûteuse et ne fonctionne que sur des vitesses rapides, par exemple pour les côtes normandes. Jusqu’à lors, les scientifiques ne pouvaient pas mesurer précisément ce phénomène sur le long-terme pour des périodes préindustrielles.
Vincent Regard, maître de conférences en géomorphologie au laboratoire GET, et son équipe ont mis au point une technique innovante se basant des isotopes cosmogéniques retrouvés dans les sédiments au pied des falaises. Les scientifiques ont utilisé un isotope spécifique, le béryllium 10 (10Be), qui est cosmogénique, c’est-à-dire produit par les rayons cosmiques à la surface de la terre. La production et l’accumulation de 10Be sert de marqueur temporel et permet de reconstituer l’histoire de l’érosion de ces côtes.
Les vitesses de recul obtenues sont de l’ordre de 0,1 à 0,6 millimètres par an, en moyenne, sur les derniers millénaires. L’ambition est désormais de pouvoir appliquer cette méthode sur les côtes du monde entier.
Les chercheurs pourront ainsi comparer les vitesses d'érosion actuelles avec celles des millénaires passés.
Cette approche permettra de mieux comprendre les processus physiques et géologiques qui influencent le recul des falaises, tels que l'impact des vagues, des tempêtes, de la composition des roches et même des mouvements tectoniques qui peuvent soulever les continents, conclut Vincent Regard.
Référence : Evidence of slow millennial cliff retreat rates using cosmogenic nuclides in coastal colluvium
Rémi Bossis, Vincent Regard, Sébastien Carretier, Sandrine Choy Earth Surface Dynamics, janvier 2025