Publié le 1 décembre 2023–Mis à jour le 14 décembre 2023
Et s’il était possible de suivre l’évolution de santé des seniors sur une courbe de la même façon que le développement des enfants sur leur carnet de santé ? C’est ce que proposent Wan-Hsuan Lu, Philipe de Souto Barreto et Bruno Vellas, respectivement doctorante et professeurs à l’université Toulouse III – Paul Sabatier au sein du Centre d’épidémiologie et de recherche en santé des populations (CERPOP, Inserm/UT3). Les scientifiques et leur équipe, affiliée à l’Institut hospitalier universitaire HealthAge (IHU, CHU/Inserm/UT3 ; soutenu dans le cadre de France 2030), posent les jalons d’un nouveau critère d’évaluation du bien vieillir des individus. Ils ont été publiés dans Nature aging le 9 novembre.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de modifier l’approche actuelle des soins de santé pour les personnes âgées, afin de les aider à conserver leur indépendance à mesure qu’elles vieillissent. Plutôt que de se concentrer uniquement sur le traitement des maladies, elle recommande une approche centrée sur la capacité fonctionnelle d’une personne à faire ce qu’elle veut ou à se sentir valorisée.
Pour ce faire, l’OMS suggère cinq domaines-clés à utiliser comme critères d’évaluation des individus, basés à la fois sur les capacités physiques et mentales : la cognition, la locomotion, la psychologie, la sensorialité et la vitalité. Par exemple, le domaine sensoriel comprend la vision et l'audition, et la vitalité a été évaluée par la force de préhension. La combinaison de ces cinq paramètres permet d’établir le niveau de capacité intrinsèque (CI) d’une personne.
Pour mieux comprendre comment la CI évolue à l'âge adulte et diffère entre les hommes et les femmes, l’équipe de Wan-Hsuan Lu, Philipe de Souto Barreto et Bruno Vellas a utilisé les données de base de 975 adultes de Toulouse et de la région, âgés de 20 à 102 ans, inclus dans une cohorte d’étude INSPIRE sur la longévité en santé de l’IHU HealthAge. Elle a ensuite établi des groupes différents selon l’âge (tranches d’âge de 5 ans) et le sexe des individus. Des centiles de référence permettent de classer la CI de chaque participant sur une courbe de valeurs.
Les scientifiques ont constaté que la CI a tendance à être plus élevée chez les adultes plus jeunes et d’âge moyen et nettement plus faible après 65 ans, avec une plus grande variabilité chez les personnes âgées que chez les jeunes. Les hommes ont généralement un niveau de CI plus élevé que les femmes. Un écart entre les sexes « largement dû aux niveaux généralement élevés des hommes dans les domaines de la psychologie et de la vitalité », étaye Wan-Hsuan Lu. Les personnes dont les scores CI se situent dans le 10e centile le plus bas sont plus susceptibles d’avoir divers problèmes de santé, telles que des maladies chroniques, fragilité, des difficultés dans les activités quotidiennes ou des chutes.
Au-delà de ces constats statistiques, les résultats de l’étude suggèrent qu’une réduction des réserves fonctionnelles pourrait ne pas être perceptible avant l’âge mûr. Une fois arrivée à des âges plus avancés, la fonction altérée devient plus prononcée et diversifiée entre les individus. « Nous avons constaté que le 10e percentile le plus bas était un point critique pour les individus », précise Philipe de Souto Barreto, « et il pourrait devenir un seuil précieux pour identifier les personnes à haut risque dans chaque groupe d’âge ». Les scientifiques espèrent que des études similaires seront menées dans d’autres populations de pays différents afin d’améliorer le bien vieillir des seniors.
Référence : Reference centiles for intrinsic capacity throughout adulthood and their association with clinical outcomes: a cross-sectional analysis from the INSPIRE-T cohort
Wan-Hsuan Lu, Yves Rolland, Sophie Guyonnet, Philippe de Souto Barreto, Bruno Vellas Nature Aging, novembre 2023
L’IHU HealthAge : un laboratoire de recherche et d’évaluation pour la longévité en santé
La géroscience, discipline émergente, devient un enjeu à l’échelle mondiale pour la médecine de demain, ciblant la biologie des processus de vieillissement, afin de préserver les fonctions vitales et gérer la prévention avant le début des déclins fonctionnels et de la maladie.
L’IHU dédié au vieillissement en santé, porté par le CHU de Toulouse, l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et l’Inserm, a été retenu comme Institut hospitalo-universitaire dans le cadre du programme « Accélérer notre recherche en santé » de France 2030. Il va permettre de développer un programme centré sur la compréhension et la prévention du déclin des fonctions liées au vieillissement.
Unique en Europe, l’IHU HealthAge constitue un laboratoire de recherche et d’évaluation pour la longévité en santé, promoteur d’une politique de prévention, avec le programme INSPIRE et le suivi de plus de 40 000 personnes en Occitanie et en France avec l’applicatif ICOPE Monitor développé par le CHU de Toulouse, qui se déploiera prochainement dans toutes les régions de France et bientôt à l’étranger (Australie, Afrique, Chine, Québec…). Le programme INSPIRE a pu être lancé dès 2019 grâce à une implication déterminante de la Région Occitanie avec un financement de 12,8 M€ (6,5 M€ de la Région et 6,3 M€ de fonds européens FEDER dont elle a la gestion).