Publié le 15 novembre 2024–Mis à jour le 15 novembre 2024
Et si l’on pouvait régénérer un tissu blessé plutôt qu’il ne se cicatrise ? Une équipe de scientifiques du laboratoire Restore (CNRS/EFS/INSERM/UT3) a franchi une première étape dans cette direction grâce au développement d’un modèle numérique. Les résultats de ce dernier ont été corroborés par des expériences in vivo et ont été publiés dans Regenerative Medecine le 15 octobre. Ils ouvrent la perspective de la mise en place de ‘digital twins’ pour des traitements personnalisés en médecine régénérative.
Chez les mammifères adultes, la capacité à régénérer des tissus après une blessure est très limitée. En général, la réparation naturelle conduit à la formation de cicatrices plutôt que de restaurer complètement les tissus, ce qui altère obligatoirement la fonction des organes. Des scientifiques du laboratoire Restore, en collaboration avec le centre Inria de Paris, ont récemment développé un modèle numérique innovant permettant d’identifier un mécanisme capable de stimuler la régénération d’un tissu chez la souris.
Grâce à ce modèle numérique, les chercheurs ont découvert que la régénération tissulaire - en lieu et place d’une cicatrisation chez un mammifère adulte - était due à l’interaction entre les cellules et la matrice extracellulaire (MEC). Celle-ci forme un réseau de différentes molécules entourant les cellules, leur servant de support et garantissant la cohésion des tissus. De par sa nature composite, ses propriétés mécaniques sont complexes à appréhender car elles se modifient tout au long du processus de reconstruction tissulaire post-traumatique. D’où l’intérêt de sa modélisation.
Après calibration, le modèle numérique a permis d’explorer une multitude de scénarios en modifiant les différents processus contrôlant les propriétés mécaniques de la MEC, sans avoir recours à des tests massifs sur des animaux. Les résultats de ces ‘réparation virtuelles’ ont révélé que la diminution temporaire de la formation des liens entre les composés de la MEC pendant les premiers jours après la blessure pourrait orienter le processus de guérison vers une véritable régénération tissulaire, plutôt que vers la formation de cicatrices. Ces prédictions numériques ont été confirmées par des expériences in vivo sur un modèle d’étude du tissu adipeux sous-cutané de la souris adulte.
Ces travaux montrent que le développement de ces modèles numériques dans l’avenir, permettra non seulement de réduire l’utilisation des animaux en laboratoire, mais aussi d’accélérer les découvertes en testant virtuellement des milliers de combinaisons avant de passer aux essais biologiques.
Ce modèle numérique, actuellement développé pour étudier la réparation après une lésion du tissu adipeux, sera développé pour l’étude de la régénération d’autres organes. Il constitue une avancée très significative vers le développement d’un jumeau numérique. En ajustant les paramètres du ‘digital twin’ en fonction des caractéristiques biologiques du patient, il deviendra possible de personnaliser les traitements, maximisant ainsi les chances de régénération. Ce travail marque une étape décisive vers la médecine personnalisée, où chaque patient bénéficiera de traitements sur mesure en fonction de ses besoins spécifiques.
Référence : A computational model reveals an early transient decrease in fiber cross-linking that unlocks adult regeneration
Anastasia Pacary, Diane Peurichard, Laurence Vaysse, Paul Monsarrat, Clémence Bolut, Adeline Girel, Christophe Guissard, Anne Lorsignol, Valérie Planat-Benard, Jenny Paupert, Marielle Ousset, Louis Casteilla Regenerative Medicine, octobre 2024