Publié le 10 juin 2024 Mis à jour le 13 juin 2024

Si les systèmes d'alerte aux tsunamis ont des procédures robustes pour prévenir des tsunamis générés par tremblements de terre, ce n'est pas le cas lorsqu'il s'agit de tsunamis produits par des crises volcaniques. Les éruptions de l'Anak Kakatau en 2018 ou du Hunga Tonga Hunga Ha'apai l'ont malheureusement montré. Des scientifiques du laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET-OMP - CNES/CNRS/IRD/UT3) ont proposé et testé un système d'alerte pour la Caraïbe, basé sur la réception par le centre régional d’alerte aux tsunamis d'un bulletin émis par l'observatoire volcanologique témoin d’une activité potentiellement tsunamigénique du volcan qu’il surveille. Leur étude a été publiée en janvier dans Bulletin of Volcanology.

Lorsque s’est produit le tsunami de Sumatra de 2004, le centre d’alerte aux tsunamis du Pacifique (PTWC) et celui de Japon n’ont pas pu diffuser leurs messages d’alerte vers les pays de l’océan Indien où n’existait aucune structure de système d’alerte précoce. L’Unesco a alors été chargé de mettre en place des groupes de coordination intergouvernementale (ICG) pour les systèmes alertes précoces (EWS) dans les 3 bassins menacés par des tsunamis : l’océan Indien, la Méditerranée et l’Atlantique nord, et les Caraïbes, sur le modèle de celui du Pacifique.

Les procédures de ces systèmes d’alertes sont bien rodées pour le cas de tsunamis générés par des séismes. Le séisme est détecté par le réseau sismologique régional des pays du bassin qui partagent leurs données en temps réel, le centre d’alerte régional fournit à l’ensemble des pays des messages caractérisant la menace tsunami (heure d’arrivée, hauteur de vague), et chaque pays diffuse alors des messages d’alerte à sa population. Dans le cas de tsunamis générés par des événements volcaniques (5% à l’échelle mondiale et plus de 20% dans les Caraïbes), il n’existe pas de réseau instrumental permettant la détection de l’événement.

Or, des exemples de tsunamis produits par des coulées pyroclastiques atteignant la mer, des glissements de flanc de volcan, des éruptions sous-marines ou des effondrements de caldeira en mer sont connus. Dans la région des Caraïbes en particulier, à chaque éruption d’un volcan de l’arc antillais, des rumeurs de tsunami géant fleurissent sur les réseaux sociaux, comme ce fut le cas en 2015 avec l’éruption du Kick’em Jenny et en 2021 avec l’éruption du Cumbre Vieja (Canaries).  Et les exemples récents de l’Anak Krakatau - en Indonésie - en 2018 (430 victimes du tsunami) et du Hunga Tonga Hunga Ha’apai - dans les îles Tonga - en 2022 (au moins 2 victimes, notamment au Pérou) montrent le danger de ces phénomènes. 
 

Dans la Caraïbe, l'équipe du GET, ainsi que de l'agence publique américaine National oceanic and atmospheric administration (NOAA), ont établi depuis mars 2023 des procédures pour le système d’alerte précoce en cas de tsunami généré lors d’une crise volcanique. Le postulat de base de ces procédures est l’utilisation des observatoires volcanologiques comme réseau de détection.

Un bulletin d’information concis a été défini pour être émis par les observatoires volcanologiques vers le centre d’alerte régional au tsunami, le PTWC, en même temps que le bulletin qu'ils émettent pour l’aviation civile international en cas de risque de panache volcanique. Dans le même temps, le PTWC a mis en place un suivi des marégraphes proches des volcans actifs.

Ces procédures ont été testées en 2023 lors de l’exercice tsunami annuel CARIBE WAVE 2023, organisé sous l'égide de l'Unesco, à partir d’un scénario volcanique, correspondant à un effondrement de flanc de la montagne Pelée (Martinique). Cet exercice a été joué par 31 pays membres sur les 48 du groupe de coordination intergouvernemental de la région. Lors de leurs futures réunions plénières, ces procédures devraient être adoptées définitivement.

Les grands défis restant sont d’améliorer le réseau de mesure du niveau de la mer (en nombre de stations, pas d’échantillonnage et de transmission), d’améliorer la connaissance de l’aléa tsunami de chaque volcan, de réaliser des modélisations de hauteur de vague en cas de phénomène tsunamigénique et d’accroître la sensibilisation des populations à ce risque nouvellement pris en compte.
 
Référence
Implementation of tsunami warning procedures in the Caribbean in case of a volcano crisis: Use of a Volcano Notice for tsUnami Threat (VONUT)
Valerie Clouard, Christa von Hillebrandt–Andrade, Charles McCreery, Jelis J.Sostre Cortés 
Bulletin of volcanology, janvier 2024

Consulter l'article scientifique