Publié le 27 juin 2024 Mis à jour le 27 juin 2024

La toxoplasmose est une infection due à un parasite appelé Toxoplasma gondii (T. gondii). Chez plus d’un tiers de la population humaine, ce parasite établit une infection cérébrale chronique qui peut avoir de graves conséquences chez les personnes dont l’immunité est fragilisée. Mieux comprendre les mécanismes immunitaires qui permettent de contrôler cette infection est essentiel pour espérer développer de nouvelles stratégies thérapeutiques car à ce jour, aucun traitement ne permet d’éliminer la forme persistante du parasite. L’étude, menée par le chercheur Inserm Nicolas Blanchard et son équipe à l’Institut Toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity, Université Toulouse III - Paul Sabatier, CNRS, Inserm), a permis de montrer qu’une catégorie de cellules immunitaires, les lymphocytes T « résidents » CD8+, jouent un rôle clé pour détecter et neutraliser le parasite de la toxoplasmose dans le cerveau. Ces résultats publiés dans la revue PNAS, permettent d’envisager de nouvelles pistes de traitements pour éliminer les formes persistantes de la toxoplasmose.

La toxoplasmose est une infection parasitaire très répandue chez l’humain. Une personne sur trois, voire une sur deux dans certains pays, a été exposée à ce parasite au cours de sa vie. Le parasite se transmet par contact direct avec les excréments d’un félin porteur du parasite T. gondii, ou en consommant des aliments contaminés (viande mal cuite, fruits et légumes crus).

Les conséquences de cette infection varient en fonction des individus. Chez les personnes en bonne santé, les conséquences de cette infection sont le plus souvent sans gravité : l’infection peut provoquer de la fièvre et une fatigue, mais les symptômes passent souvent inaperçus. En revanche, le parasite n’est pas éliminé de l’organisme. Il peut persister durablement sous une forme dite ‘latente’ dans les muscles, la rétine et le cerveau. Un nombre croissant de données suggèrent que cette infection cérébrale chronique est associée à des changements comportementaux, voire à une accélération de phénomènes neurodégénératifs. En outre, chez une personne dont l’immunité est plus fragile, comme une personne atteinte du SIDA ou utilisant certains traitements immunosuppresseurs (par exemple en cas de greffe), les conséquences peuvent être sévères car le parasite peut se réactiver dans le cerveau et causer une inflammation cérébrale potentiellement mortelle (appelée toxoplasmose cérébrale ou neurotoxoplasmose).

A ce jour, il n’existe pas de traitement pour éliminer la forme persistante et supprimer définitivement le parasite. Mieux comprendre les mécanismes immunitaires qui permettent le contrôle du parasite, notamment dans le cerveau, pourrait suggérer de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à stimuler l’immunité naturelle vis-à-vis du parasite afin de mieux le contenir, voire de l’éliminer.
 

L’équipe de recherche avait déjà montré que des cellules immunitaires particulières, appelés lymphocytes T CD8+ ou lymphocytes T « tueurs », jouent un rôle clé dans le contrôle du parasite dans le cerveau. Cependant, il s’agit d’une population cellulaire très hétérogène. Pour le chercheur Inserm Nicolas Blanchard et son équipe, il était crucial d’identifier quel sous-type de lymphocyte T CD8+ est impliqué, pour élucider les mécanismes de surveillance immunitaire du parasite dans le cerveau.

En 2009, un sous-type de lymphocytes T CD8+ particulier appelé « résident » a été découvert.  Ces lymphocytes T résidents ont la particularité de ne pas patrouiller dans l’organisme mais de rester stationnaires dans les tissus, notamment dans le cerveau. Le rôle des sous-populations de lymphocytes T CD8+ résidents du cerveau dans la neutralisation et l’élimination du parasite n’avait jamais été étudié.

Pour étudier ce rôle, les chercheurs se sont appuyés sur un modèle animal mimant l’infection latente à T. gondii retrouvée chez l’être humain.
Grâce à l’élimination sélective des sous-populations circulantes ou des sous-populations résidentes, l’équipe a montré que le contrôle du parasite dans le cerveau est assuré par des lymphocytes T CD8+ résidents, par opposition aux autres lymphocytes qui patrouillent dans les tissus et les organes lymphoïdes.

Les chercheurs ont aussi montré que les lymphocytes T CD8+ résidents se forment grâce à des signaux envoyés par d’autres cellules immunitaires, les lymphocytes T CD4+.

« Ce résultat nous a interpelé car il permet de mieux comprendre pourquoi les personnes porteuses du VIH sont potentiellement plus vulnérables à la toxoplasmose cérébrale. En effet, le VIH est connu pour réduire le nombre de lymphocytes T CD4+, ce qui pourrait avoir un impact en cascade négatif sur la formation des lymphocytes T CD8+ résidents du cerveau, et donc altérer l’immunité face au parasite de la toxoplasmose. », explique Nicolas Blanchard.


Forts de ces résultats, les scientifiques vont maintenant pouvoir réfléchir à des stratégies pour tenter d’améliorer la capacité des lymphocytes résidents à lutter contre l’infection cérébrale.

« Maintenant que l’on comprend mieux les mécanismes de surveillance du parasite de la toxoplasmose dans le cerveau, nous menons d’autres travaux pour comprendre les mécanismes mis en place par le parasite pour échapper au contrôle des lymphocytes T CD8+ et comment on peut tenter de neutraliser ces mécanismes », conclut Nicolas Blanchard.
 
Référence
Protective function and differentiation cues of brain-resident CD8+ T cells during surveillance of latent Toxoplasma gondii infection
Nicolas Blanchard et. al. 
Proceedings of the National Academy of Sciences, juin 2024

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