Publié le 16 mars 2023 Mis à jour le 23 mai 2023
[Mise à jour] Qualifiés pour la demi-finale nationale, nos doctorants Jeanne Chauvat et Naïmo Davier se sont hissés pour la finale nationale ! Celle-ci aura lieu à Rennes le 8 juin et sera diffusée en direct sur la chaîne Youtube de MT180.

Vendredi 10 mars, au théâtre Sorano de Toulouse, se tenait la finale régionale du concours de vulgarisation scientifique « Ma thèse en 180 secondes ». Cette année, ils étaient 17 doctorants à relever le défi d'expliquer leur sujet de recherche au grand public, de la manière la plus simple possible, en seulement trois minutes chrono. Le prix du jury a été attribué à Naïmo Davier, doctorant au Laboratoire de physique théorique de Toulouse (LPT - CNRS/UT3), et le prix du public à Jeanne Chauvat, doctorante à l'Institut de pharmacologie et biologie structurale (IPBS - CNRS/UT3). Ils reviennent sur cette expérience.

 


Jeanne, vous avez reçu le prix du public pour la présentation de votre thèse "relation fonctionnelle entre les protéines Ku et WRN". Pouvez-vous expliquer ce titre et votre sujet ?

J’étudie l’interaction entre deux protéines : Ku et WRN, et les fonctions qu’elles ont dans les cellules humaines. Mon sujet est très fondamental et c’était tout le défi de MT180 : faire comprendre un sujet assez abstrait à un public varié en seulement 3 minutes. Une partie de mon projet de thèse s’appuie sur l’interaction entre les deux protéines pour développer une molécule qui pourrait être un nouveau médicament pour un certain type de cancer. C’est cette partie que j’ai choisie de développer pour MT180 car je souhaitais montrer que faire de la recherche fondamentale est important aussi et pose les bases pour la recherche appliquée à une pathologie.

 

En quelle année de thèse êtes-vous et quel a été votre parcours d'études depuis le bac ?

Je viens de commencer ma 3ème année de thèse. Après le bac j’ai fait une prépa BCPST qui prépare notamment aux concours agro-véto, dans le but d’entrer en école vétérinaire. Je n’ai pas réussi les concours véto mais j’ai été admise en école d’agronomie. Cependant, je souhaitais faire de la recherche appliquée à l’humain et les écoles qui s’offraient à moi étaient plutôt tournées vers le végétal. J’ai décidé de refuser ces écoles et j’ai intégré la 3ème année de licence de biologie cellulaire et moléculaire de l’Université de Nantes. J’ai ensuite continué avec un master biologie-santé option immunologie-cancérologie. Et, depuis février 2021, je suis en thèse à l’IPBS dans l’équipe de Sébastien Britton qui travaille sur la réparation de l’ADN.

 

Qu'est-ce qui vous a motivé à participer à MT180 ? Aviez-vous déjà fait de la vulgarisation avant ?

A l’automne dernier a eu lieu la retraite de mon labo et certains doctorants ont présenté leur thèse sous la forme du concours MT180. Je n’y ai pas participé mais voir ces présentations m’a donné envie de tenter l’expérience. De plus, je trouve toujours difficile d’expliquer à ma famille ou mes amis ce que je fais, avec des mots simples. J’arrive en dernière année de thèse donc je me suis dit que c’était maintenant ou jamais. Alors je me suis lancée. C’était la première fois que je faisais de la vulgarisation, et j’ai bien aimé !

 

Que diriez-vous aux doctorantes et doctorants qui hésitent à se lancer dans MT180 ?

Allez-y ! La formation proposée par l’école doctorale pour préparer le concours est sympa, l’ambiance avec les autres doctorants aussi. Et puis, vous ne ferez qu’une thèse dans votre vie, si l’expérience vous tente, lancez-vous !

 


Naïmo, le jury a récompensé la présentation de votre thèse "étude de l'interaction entre un électron et un skyrmion formé dans un aimant antiferromagnétique", qui invoque notamment la physique quantique. Comment vulgarise-t-on un tel sujet ?

Je m'intéresse à l'étude du mouvement d'un électron dans un solide, mais pas n'importe quel solide. Ce solide est un aimant antiferromagnétique. "Magnétique" parce que chaque atome qui le compose se comporte comme un petit aimant, "ferro" parce que tous ces petits aimants sont alignés selon le même axe, et "anti" parce que le pôle nord de ces aimants est alterné, un coup vers le haut, un coup vers le bas lorsqu'on passe d'un atome à son voisin. L'intérêt de cette étude est que les électrons ont un spin, ce qui signifie qu'ils se comportent eux même comme des petits aimants, et ils vont donc interagir magnétiquement avec les atomes en se baladant parmi eux. On suppose maintenant qu'il y a un petit défaut bien particulier dans le matériau, appelé skyrmion, qui fait que les atomes ne pointent plus selon un axe commun mais un peu dans toutes les directions. Je me demande alors ce qu'il va se passer lorsque l'électron va croiser un tel défaut, est ce qu'il va s'accrocher au défaut, ou être dévié ? Et je me demande aussi si l'électron va impacter à son tour le défaut, est ce qu'il va pouvoir le perturber (changer la structure du défaut) ou même le détruire ?

On est en droit de demander à quoi sert cette étude. Du point de vue d'un théoricien, l'intérêt de comprendre l'interaction entre deux objets, qui ont qui plus est dans ce cas des propriétés bien particulières, est largement suffisant. D'un point de vue expérimental ou technologique, l'intérêt est plus lointain, ces phénomènes devant encore attendre avant de pouvoir être observés. On peut néanmoins noter que les skyrmions pourraient êtres utilisés comme porteurs d'information. Si on peut les écrire dans un matériau et ensuite les détecter, on pourra alors écrire de l'information en considérant un skyrmion comme un 1, et l'absence de skyrmion comme un 0. Cela pourrait ainsi permettre de fabriquer des mémoires plus rapides et plus compactes d'ici quelques années ou décennies. Mais avant ça il est important de comprendre comment ces skyrmions vont se comporter avec les électrons qui se baladent dans le matériau dans lequel on veut fabriquer la mémoire

 

Vous êtes en 3ème année de thèse, vous la soutiendrez prochainement. Pourquoi avoir choisi de faire MT180 sur votre dernière année ?

J'ai choisi de participer cette année car je voulais avoir du recul sur mon sujet avant d'en parler. Je pense qu'il m'a fallu au moins un an pour vraiment m'en imprégner, commencer à avoir des intuitions pertinentes, et être capable de proposer des images physiques qui soient à la fois parlantes et pertinentes. Ça fait longtemps que j'ai envie de communiquer sur la science en général, de vulgariser, et mes trois ans de thèse m'ont un peu déçus en termes de présentations. Lorsque que j'ai assisté à des séminaires de physiciens j'ai souvent trouvé les communications très techniques, arides et un peu toutes semblables. J'ai tout de même eu quelques contres exemples de très bon communicants, arrivant à vraiment imager et dynamiser leur propos, ce qui m'a d'autant plus donné envie d'apprendre à communiquer la science pour pouvoir réellement transmettre ses résultats de recherche. Et c'est donc surtout pour ça que je me suis inscrit à la formation attachée au concours, pour apprendre à présenter un sujet compliqué en un temps restreint, tout en le faisant de manière didactique et attrayante.

 

Au-delà de la finale régionale et de la demi-finale nationale à venir, que retenez-vous de cette expérience ? Vous a-t-elle donné le goût de la vulgarisation scientifique ?

C'est d'ailleurs ce que je retiens le plus de cette expérience : tous les détails qu'il a fallu travailler pour réussir à faire prendre vie à cette présentation. Il a fallu trouver les bonnes images, trouver les bons mots pour l'animer, afin de la rendre la plus claire possible, dynamique et attrayante pour les auditeurs. Une fois le texte mis en forme, il faut le bon ton et le bon jeu pour que le tout soit cohérent et captivant. Travailler l'accentuation et l'articulation. Enfin, il faut répéter suffisamment pour que le tout devienne naturel, spontané, comme si ça coulait de source. Toutes ces étapes sont autant de points que je ré-utiliserai pour ma soutenance de thèse. Même si cela représente beaucoup de travail, je pense que ça vaut le coup, et que c'est un exercice nécessaire pour que les spectateurs en retirent vraiment quelque chose. J'ai vraiment pris beaucoup de plaisir à présenter sur scène lors de la sélection puis de la finale régionale. Je savais que c'était un exercice qui m'attire, mais je me suis moi-même surpris du plaisir et de l'excitation ressentis à présenter quelque chose devant un public aussi enthousiaste.

 
De gauche à droit : Jeanne Chauvat, Naïmo Davier et Julie Dubuit, 2e prix du jury