Publié le 21 janvier 2025 Mis à jour le 21 janvier 2025

Les interféromètres atomiques permettent de réaliser des mesures de très haute précision, avec des applications variées, notamment la détermination de constantes fondamentales et le développement de capteurs inertiels. Des scientifiques du Laboratoire collision agrégats réactivité (LCAR – CNRS/UT) ont proposé des méthodes optimales de transport des atomes dans un réseau optique et réalisé ainsi un interféromètre atomique avec une séparation record en impulsion. Cette étude, publiée dans Nature communications, ouvre la voie à des interféromètres de nouvelle génération avec un potentiel remarquable pour des applications en physique fondamentale et en géophysique.

En physique quantique, un atome peut suivre deux chemins simultanément grâce à un phénomène connu sous le nom de superposition quantique. Les scientifiques exploitent ce phénomène en manipulant des atomes ultra-froids, dont les propriétés quantiques peuvent être contrôlées avec une très grande précision. Les interféromètres atomiques font partie des instruments offrant des perspectives intéressantes : en divisant l’onde associée à un atome en deux chemins distincts avant de les recombiner, il créé un motif d’interférences qui donne des informations quantiques sur leur comportement et leur environnement. C’est un candidat sérieux pour une étude très fine de la gravitation, pour la mesure de constantes fondamentales et pour le développement de capteurs de précision. Pour maximiser le potentiel de ces instruments, il est nécessaire d’accroître la séparation entre les chemins empruntés par les atomes au sein de l’interféromètre.    
 
Légende
Légende - Une première impulsion laser (π/2) crée une superposition cohérente entre deux chemins, ensuite un des deux chemins est accéléré (flèches oranges) et décéléré (flèches violettes) avec le réseau optique en utilisant la technique de Floquet. Une impulsion laser (π) inverse les vitesses sur chacun des bras avant une autre étapes d’accélération et de décélération. Les deux chemins de l’interféromètre interfèrent sur dernière impulsion laser (π/2).

Alexandre Gauguet et Baptiste Allard, maîtres de conférences à l’Université de Toulouse, et leurs collègues du LCAR ainsi que du laboratoire Interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (ICB – CNRS/Université de Bourgogne) ont développé une méthode originale de manipulation des atomes à l’aide de faisceaux lasers. Cette technique permet de produire des superpositions quantiques où les fonctions d’onde des atomes se déplacent à des vitesses très élevées, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives en interférométrie atomique. Ces expériences reposent sur des atomes de rubidium refroidis à des températures extrêmes, proches du zéro absolu (quelques nanokelvins), et manipulés dans un réseau optique, une structure lumineuse périodique créée par une onde stationnaire laser. En déplaçant ce réseau optique, les atomes peuvent être accélérés de manière contrôlée. Mieux encore, il est possible de diviser le paquet d’ondes associé à un atome, laissant une partie immobile et accélérant l’autre, générant ainsi une superposition quantique entre des vitesses distinctes. 

Cependant, préparer de telles superpositions à des vitesses élevées pose un défi redoutable : les états quantiques sont extrêmement sensibles aux perturbations. Les scientifiques ont surmonté cet obstacle grâce à la théorie du contrôle optimal, une méthode mathématique développée dans les années 1950. En appliquant cette technique à leur système quantique, ils ont réussi à accélérer les atomes de rubidium à une vitesse de 4 m/s en seulement 2 millisecondes — une accélération équivalente à 240 fois celle de la gravité terrestre (240 g), tout en préservant la cohérence des états quantiques. Cette approche leur a permis de démontrer un interféromètre atomique avec une vitesse de séparation entre les deux chemins quantiques atteignant 4 m/s (soit 600 fois l’impulsion de recul d’un photon, ℏk), établissant ainsi un record mondial.    

Ces travaux, publiés dans Nature communications, ouvrent des perspectives intéressantes pour les technologies quantiques. Des capteurs atomiques plus sensibles pourraient être développés pour des applications variées : navigation inertielle, études géophysiques comme l’exploration des ressources naturelles, ou la cartographie gravitationnelle depuis l’espace. À un niveau plus fondamental, cette technique rend possible la réalisation d’expériences remarquables avec des fontaines atomiques de très grande taille (supérieures à 10 mètres), comme la création de superpositions quantiques géantes de plusieurs mètres. Ces expériences offrent la possibilité de tests inédits de lois fondamentales en physique et pourraient également contribuer au développement de détecteurs d’ondes gravitationnelles de nouvelle génération reposant sur l’interférométrie atomique.

 
Référence :
Optimal Floquet state engineering for large scale atom interferometers
T. Rodzinka, E. Dionis, L. Calmels, S. Beldjoudi, A. Béguin, D. Guéry-Odelin, B. Allard, D. Sugny, A. Gauguet
Nature communications, novembre 2024

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