Publié le 26 novembre 2024–Mis à jour le 26 novembre 2024
Les prairies on fait l’objet de nombreuses études, mais l’importance écologique de leur âge n’a été découverte que très récemment. Une équipe de chercheurs du Centre de recherche sur la biodiversité et l'environnement (CRBE, CNRS/IRD/Toulouse INP/UT3) et le Centre de recherches sur la cognition animale (CRCA-CBI, CNRS/UT3) ont mis en évidence un effet positif de l’âge des prairies des vallées et coteaux de Gascogne sur la santé et le microbiote des pollinisateurs. Ces nouvelles données soulignent l’urgence de protéger les rares très anciennes prairies encore existantes. Leur étude a été publiée dans Functional Ecology le 20 novembre.
En Europe, pendant des siècles, les prairies ont été un élément essentiel de chaque ferme, servant au pâturage du bétail et à la production de foin. Leur gestion traditionnelle extensive, caractérisée par l'absence de fertilisation minérale, un apport épisodique de fumier de ferme, une fauche annuelle et souvent un pâturage du regain, expliquent pourquoi ces milieux présentent la plus grande diversité végétale à petite échelle des zones tempérées.
Cependant, au cours du siècle dernier, l'intensification agricole et l'expansion forestière ont entraîné une forte diminution des prairies naturelles, dont la superficie a diminué d’un tiers en France entre 1967 et 2007. La fertilisation chimique, le pâturage intensif, les fauches précoces et fréquentes, ainsi que la pollution azotée atmosphérique ont considérablement appauvri la flore des prairies restantes, favorisant les graminées au détriment des plantes à fleurs des champs, essentielles aux insectes pollinisateurs. Heureusement, quelques rares prairies très anciennes, extraordinairement diversifiées et fleuries, subsistent encore dans nos paysages.
Dans cette étude, des colonies expérimentales de bourdons terrestres (Bombus terrestris) ont été placées dans des prairies de fauche d’âges variés, allant de 10 ans à plus d’un siècle, pour étudier les effets de l’âge des prairies sur différents indicateurs de leur santé. Les observations montrent que les bourdons vivent plus longtemps et produisent davantage d’ouvrières dans les prairies anciennes que dans les prairies jeunes.
L’abondance accrue des fleurs à symétrie radiale (comme la marguerite) dans les prairies anciennes favorise les bourdons de grande taille, dotés des réserves de graisses élevées. Dans les jeunes prairies, la composition du microbiote intestinal des individus s’est modifiée au cours de l’expérience, avec une diminution de certains taxa bactériens « clés », naturellement abondants chez tous les bourdons et qui paraissent essentiels à leur bonne santé. En revanche, le microbiote des bourdons est resté stable et diversifié dans les prairies anciennes, grâce notamment à leur richesse florale élevée.
Ainsi, l'âge des prairies, généralement ignoré dans les études écologiques, apparaît comme un paramètre essentiel. Les prairies anciennes, cruciales pour la survie des pollinisateurs et devenues rares et gravement menacées, doivent être inventoriées et protégées de toute urgence. Contrairement aux vieilles forêts, ces habitats ont été négligés dans les efforts de conservation, malgré leur raréfaction dans de nombreuses régions et leur valeur écologique et culturelle considérable.
Référence : Species-rich old grasslands have beneficial effects on the health and gut microbiome of bumblebees
André Pornon, Anne-Sophie Benoiston, Nathalie Escaravage, Mathieu Lihoreau, Blandine Mahot-Castaing, Gabrielle Martin, Lucie Moreau, Joël White Functional Ecology, novembre 2024