Publié le 18 novembre 2024 Mis à jour le 20 novembre 2024

Le corps humain, pour fonctionner, puise son énergie dans les graisses qui sont stockées dans les tissus adipeux blancs ou bruns. Ces derniers, minoritaires dans notre organisme, ont la capacité de produire de la chaleur en consommant les graisses et ainsi réguler notre température corporelle. Une équipe de scientifiques toulousains et canadiens, menée par Dominique Langin, professeur des universités – praticien hospitalier à l’université Toulouse III – Paul Sabatier et chercheur au sein de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC, Inserm/UT3), a étudié les processus qui sont à l’origine de cette faculté. Leurs travaux, financés notamment par le Conseil européen de la recherche (ERC), ont été publiés dans Cell Metabolism le 19 novembre.

Le tissu adipeux brun a la particularité de pouvoir utiliser les acides gras pour générer de la chaleur et aider au maintien de la température corporelle, ce qui le place au cœur de l’homéostasie énergétique chez les mammifères. Les réserves de graisses sont constituées de triglycérides, une association de trois acides gras liés à une molécule de glycérol. Il est, par ailleurs, établi que les acides gras sont la source d’énergie prédominante dans ce tissu pour réchauffer l’organisme lorsqu’il est exposé au froid. 

Cependant, le tissu adipeux brun ne représente chez l’adulte que quelques % de notre masse de graisse, la vaste majorité étant constituée de tissu adipeux blanc. Or, si celui-ci permet aussi de stocker de l’énergie, il ne produit en revanche aucune chaleur. En trop grande quantité, il est à l’origine de l’obésité. Etudier la graisse brune devient alors un levier pour lutter contre l’obésité et ses complications cardio-métaboliques.

C’est précisément l’objet de l’étude coordonnée par Dominique Langin. Les scientifiques de Toulouse, ainsi que ceux du Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, au Canada, se sont penchés sur l’importance de la dégradation des triglycérides stockés dans le tissu adipeux brun. « Les études antérieures donnaient des résultats contradictoires quant à l’importance de cette voie pour activer la production de chaleur par le tissu adipeux brun », précise le professeur Langin. Les travaux ont été financés par l’ERC, la Fondation européenne pour l’étude du diabète, la Société francophone du diabète, la Fondation pour la recherche médicale, AstraZeneca France et les Instituts de recherche en santé du Canada. 

Le tissu adipeux brun des souris n’exprimant pas les enzymes ATGL et HSL (panel de gauche) est plus chargé en graisses que celui des souris exprimant ATGL et HSL (à droite). Crédit : I2MC, 2024.
Le tissu adipeux brun des souris n’exprimant pas les enzymes ATGL et HSL (panel de gauche) est plus chargé en graisses que celui des souris exprimant ATGL et HSL (à droite). Crédit : I2MC, 2024. - Le tissu adipeux brun des souris n’exprimant pas les enzymes ATGL et HSL (panel de gauche) est plus chargé en graisses que celui des souris exprimant ATGL et HSL (à droite). Crédit : I2MC, 2024.

L’hydrolyse des triglycérides est assurée par deux enzymes : ATGL et HSL. Les scientifiques ont créé des souris n’exprimant aucune des deux enzymes dans le tissu adipeux brun. Exposés au froid et en absence de nourriture, ces rongeurs n’étaient pas capables de maintenir leur température corporelle, contrairement à des souris avec les enzymes ATGL et HSL fonctionnelles. Grâce à des techniques avancées d'imagerie, les chercheurs ont observé que la capacité de la graisse brune à produire de la chaleur était très fortement réduite chez les souris n’exprimant pas les deux enzymes. 

« Ces résultats montrent que la dégradation des graisses du tissu adipeux brun est requise pour la production de chaleur par ce tissu », conclut Etienne Mouisel, maitre de conférences à l’université de Toulouse III – Paul Sabatier et premier auteur de l’article. Développer des molécules qui permettent d’activer cette voie est une piste pour brûler les graisses et permettre une perte de poids, une perspective d’intérêt pour lutter contre l’obésité et ses complications.

 
This project has received funding from the European Research Council (ERC) under the European Union’s Horizon 2020 research and innovation programme (grant agreement No 856404).
 
Référence :
Cold-induced thermogenesis requires neutral-lipase-mediated intracellular lipolysis in brown adipocytes
Anastasia Etienne Mouisel, Anaïs Bodon, Christophe Noll, Stéphanie Cassant-Sourdy, Marie-Adeline Marques, Remy Flores-Flores, Elodie Riant, Camille Bergoglio, Pierre Vezin, Sylvie Caspar-Bauguil, Camille Fournes-Fraresso, Geneviève Tavernier, Khalil Acheikh Ibn Oumar, Pierre Gourdy, Denis P. Blondin, Pierre-Damien Denechaud, André C. Carpentier, Dominique Langin
Cell Metabolism, novembre 2024

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