Publié le 19 mars 2025 Mis à jour le 24 mars 2025

Lancé le 1er juillet 2023, le télescope spatial de l’Agence spatiale européenne (ESA) a pour objectif d’étudier l’expansion de l’univers. Bien qu’il ne soit qu’au début de son utilisation, l'instrument rapporte déjà de nombreuses informations. Alain Blanchard, professeur à l’Université de Toulouse au sein de l'Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP - OMP, CNES/CNRS/Université de Toulouse), fait partie des scientifiques impliqués sur ce projet européen et met en lumière les premiers résultats obtenus, comme sur la morphologie des galaxies et leurs interactions avec leurs environnements.

Euclid est un projet de l’ESA qui regroupe différents laboratoires et institut de recherche partout en France et en Europe. Il vise à comprendre l’expansion de l’univers et son éventuelle origine : l'énergie noire. Ainsi, le télescope de 1,2 mètre de diamètre va observer et cartographier des milliards de galaxies afin de mieux comprendre l’énergie noire, qui représenterait 68% de l’univers. Depuis son lancement, le télescope n'a réalisé que 0,45% des observations prévues mais les scientifiques ont déjà pu faire de nombreuses découvertes sur les galaxies.

En effet, les astrophysiciens ont remarqué que plus un amas de galaxies était massif, plus il était connecté à la toile cosmique, qui est la distribution de la matière dans l’univers. Mais les chercheurs ont également relevé que plus un amas a de connexions avec la toile cosmique et plus les galaxies qui le composent seront elliptiques. Les scientifiques en ont déduit que c'est la manière dont elles avaient accumulé la matière dans leur environnement cosmique pendant leur formation qui en était la cause.

Alain Blanchard, professeur à l’Université de Toulouse au sein de l'IRAP - OMP, est impliqué dans ce projet de recherche dont il explique l'importance de ses premiers résultats.
 

Les résultats d’Euclid ont déjà donné des éléments sur les galaxies avec des informations sur leurs morphologies et leurs interactions avec leur environnement. Quels enseignements tirez-vous de ces résultats et comment pensez-vous qu’ils influenceront les connaissances futures sur l’univers ?
 

Les résultats actuels sont périphériques aux objectifs centraux d'Euclid. Les premières conclusions cosmologiques, ce pour quoi la mission a été conçue, arriveront sans doute fin 2026.

Euclid est d'abord un super appareil photo ! Il peut donc faire des images "grand format" du ciel (grand champ) et très piquées (haute résolution). Sur un seul cliché il couvre près de deux fois la lune, trente fois plus que le télescope spatial Hubble. Les premières observations d'Euclid ont donc exploité cette performance de grand champ et haute résolution pour observer un certain nombre d'objets déjà connus mais jamais observés avec un instrument aussi performant.

Il existe en plus de cette camera un deuxième instrument qui réalise des spectres (c'est-à-dire la décomposition de la lumière en longueur d'ondes). Le spectre permet d'analyser la lumière en fonction de la longueur d'onde, comme le fait un prisme ou les gouttes d'eau qui conduisent à un arc en ciel.

Légende
Légende - Quelques galaxies de formes différentes capturées par Euclid. Crédit : ESA.


Un des objectifs du projet Euclid est d’étudier plus précisément l’énergie noire. Est-ce que ces premiers résultats permettent de réfuter ou d’imaginer de nouvelles hypothèses ?

Ces premiers résultats n'ont donc pas d'implications directes, immédiates, pour ces objectifs. Ils montrent par contre les très bonnes performances d'Euclid et commencent à permettre de préciser certains effets de "nuisance" qu'il faudra comprendre au mieux.

L'objectif d'Euclid est de mieux comprendre l'énergie noire. Les deux instruments embarqués ont été conçus dans cette perspective. Euclid va donc collecter des images qui couvriront 15 000 degrés carrés, soit environ le tiers du ciel. Sur ces images, les galaxies seront identifiées avec leur forme approximative et ce pour plus d'un milliard de ces objets. Ces images sont déformées par un effet de "lentilles gravitationnelles", un effet mis en évidence la première fois par une équipe toulousaine, il y a presque quarante ans... Cette déformation permet de reconstruire la distribution de matière dans l'univers.

Pour 30 millions d'entre elles on disposera d'un spectre permettant de les situer dans l'espace, ce qui fournira une carte à trois dimensions. 
Cet ensemble d’informations nous renseigne sur le détail de la distribution de la matière et son évolution au cours des dix derniers milliards d'années. Cette évolution dépend sensiblement des caractéristiques de l'énergie noire qu'il sera ainsi possible de mieux appréhender.


Le projet Euclid rapporte déjà énormément de résultats alors qu’il en est qu’au début de ses observations, qu’attendez-vous découvrir plus tard ?
 

L'énergie noire est le nom que l'on donne à l'origine de l'accélération de l'expansion de l'univers. Cette accélération, découverte à la fin des années 1990 a valu le prix Nobel de physique à leurs auteurs. Ce fut une grande surprise : à l'échelle de l'univers la force gravitationnelle se manifeste comme une force répulsive et non attractive !

L'origine nous en est totalement inconnue. Mais une possibilité simple est celle d'une "constante cosmologique" un terme introduit par Einstein dans les équations de la relativité générale et qui avait été rapidement abandonné... Mais dans des modèles plus complexes, cette "constante" pourrait varier dans le temps. C'est justement ce que les premières observations d'un autre projet, Dark energy spectroscopic instrument, semblent indiquer même si ce signal semble encore trop faible pour être considéré comme une indication totalement convaincante.

Euclid a exactement les capacités pour répondre sans ambiguïté à cette possibilité, et ce peut-être dès sa première année d'observation.