Publié le 16 mai 2024 Mis à jour le 23 mai 2024

Chaque année de nombreux séismes sont détectés dans la région de Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, sans que la cause exacte soit clairement identifiée. Une étude internationale menée par Jean Letort, enseignant-chercheur à l’université Toulouse III – Paul Sabatier au sein de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP/OMP – CNES/CNRS/UT3), vient confirmer une hypothèse récente. Les injections d’eaux usées industrielles sont à l’origine de la sismicité de la région. Les résultats ont été publiés le 23 mai dans Geophysical Journal International.

Depuis 1969, chaque année, des centaines de séismes, dont quelques-uns ressentis par la population, sont détectés très localement dans la région de Lacq, dans le sud-ouest de la France. Ce cluster de sismicité est bien dissocié de la sismicité naturelle de la chaîne des Pyrénées, qui s’étend plus au sud : il est depuis longtemps considéré comme induit, c'est-à-dire généré par les activités d'exploitation du sous-sol conduites dans cette région. 

Cependant, la cause exacte de ce cluster de séismes était encore débattue. Elle a longtemps été attribuée aux activités passées d’extraction intense de gaz du réservoir profond, ce qui aurait amené à sa contraction et à son effondrement progressif, conduisant les roches à un état proche de la rupture. Mais une autre hypothèse a commencé à émerger il y a trois ans. Celle-ci accorde un rôle majeur aux eaux usées issues des activités industrielles, injectées dans le réservoir.
 

Pour aller au bout de cette hypothèse, une équipe de recherche franco-allemande1 a alors cherché à mieux comprendre ces liens entre activités humaines et sismicité. « Un réseau d’une quinzaine de capteurs sismologiques a été déployé autour de Lacq afin de mieux localiser ces séismes induits. Ils se déclenchent dans et en-dessous du réservoir profond, la plupart entre quatre et cinq kilomètres de profondeur », explique Laeticia Jacquemond, autrice principale et étudiante en master 2 sciences de la Terre, planètes et environnement à l’université pendant l’élaboration de cette étude. L’enregistrement en continu pendant trois années des mouvements du sol a permis de détecter une centaine de microséismes ce qui a rendu possible leur localisation précise et leur analyse par les scientifiques.

Les conclusions de l’équipe sont sans appel. En compilant l’analyse des séismes récents, mais aussi de ceux survenus au cours des 50 dernières années, l’équipe franco-allemande a mis en lumière le rôle prépondérant de l'injection dans la génération de la sismicité de la région de Lacq. La majorité des séismes sont localisés très proches des limites du réservoir et l'énergie sismique libérée est directement liée aux variations du volume injecté dans le réservoir.
 

Cette étude apporte un éclairage crucial sur les interactions entre les activités d'injections et la sismicité de la région de Lacq. Jean Letort, enseignant-chercheur à l’IRAP, souligne le manque d'instrumentation depuis les années 2000, l'importance d'une surveillance continue et « le besoin d’études plus approfondies sur la prédiction de l’aléa et du risque sismique. Et ce, particulièrement sur le développement de modèles de prédiction de sismicité selon les taux et volumes d'injections, ce qui nécessite d’avoir accès aux informations détaillées sur les opérations d’injections et sur les propriétés du réservoir ».

Les données de ce réseau temporaire, déployé sur Lacq, et les catalogues de sismicité construits lors de ce projet sont rendus publics afin de favoriser les études futures sur les processus générant des séismes lors d'opérations d'injection dans des réservoirs. C’est un enjeu crucial pour la gestion des injections d’eaux usées mais aussi pour la géothermie profonde et les projets de séquestration de gaz carbonique, afin d’évaluer au mieux l’aléa et le risque associé à ces projets.
 
1 : sont également impliqués dans cette étude l’Université de Grenoble-Alpes, l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et le laboratoire allemand de Potsdam, German research centre for geosciences (GFZ).
 
Référence
Analyzing 50 years of the Lacq induced seismicity (SouthWestern, France) highlights the role of fluid injection
L Jacquemond, J Letort, F Cotton, M Causse, J R Grasso, G Senechal, J B Ammirati, B Derode, F Grimaud, H Pauchet, S Benhamed, M Sylvander
Geophysical journal international, mai 2024

Consulter l'article scientifique